Une uchronie délirante : Des Chars Leclerc pour bloquer les Allemands à Sedan en 1940

Il y a peu de temps, j’ai parlé d’une revue portant sur les uchronies. Sujet qui m’a toujours fasciné. Si le sujet est beaucoup plus serieux qu’il n’y paraît. Un contributeur a eu plus le sens de l’humour qu’il n’y paraît : Une cinquantaine de Char Leclerc, avec véhicule d’accompagnement sont découverts dans des hangars inconnus en 1940. Que se passerait-il alors ?

Passons sur le saut temporel qui n’est qu’un prétexte. Pour ceux que les voyages dans le temps fascinent, je citerais l’excellent « Nimitz, retour vers l’enfer ». Où le porte-avions Nimitz, fleuron technologique des années 1980, avec ses avions voyagent dans le temps pour se retrouver la veille de l’attaque de Pearl Harbor. Le film est bien construit et les cas de conscience des membres d’équipages sont cohérents et très bien expliqués. Je citerais aussi les nouvelles de Poul Anderson : « la patrouille du temps ». Où les voyages temporels et leurs conséquences sont explorés de manière originale, mais toujours bien construites.

La question technique n’est pas sans incidence. Même avec les manuels techniques, les armées de 1940 auraient-elles pu mettre en œuvre, ces montres technologiques ? Les récentes guerres au moyen orient montrent que … non ! Daech a capturé de nombreux tanks. Les chars russes, solides et fiables, mais à la technologie volontairement rustique sont systématiquement remis en état et réutilisés. Les chars US M1, beaucoup plus modernes et plus performants … sont abandonnés sur place. Leur réutilisation nécessite à la fois des compétences techniques poussées par les équipages, mais aussi et surtout un train logistique technologique très avancé pour maintenir opérationnel ces chars. Ce train technologique n’existe pas en 1940, et même si le stock de pièce détaché avait lui aussi voyagé dans le temps … le saut technologique est trop important pour mettre en œuvre ces blindés.

Pour la petite histoire, les compte rendus des combats au Yémen sont maintenant publics. Les chars de nombreux pays ont subis le baptême du feu. Les antiques T55, les rustiques T72, se montrent à la hauteur de leur réputation : solides et fiables. Ils sont très appréciés malgré les pertes subies. Les M1 US sont apprècié par leurs équipages pour leur blindage composite, mais leur train logistique est monstrueux et disproportionné par rapport à leur efficacité réelle. C’est un char de riche ! Trop cher par rapport à son efficacité. Les Léopards allemands se sont révélés vulnérables. c’est la grande surprise de ces combats. Ce sont des chars chers, difficile à maintenir et qui se révèlent particulièrement vulnérables. Les vidéo montrant ces blindés exploser sont maintenant légion sur Internet. Par contre le Leclerc français remporte tous les suffrages. Il est cher, il est difficile à maintenir au combat. Mais son blindage est solide (un seul décès recensé). De nombreux Leclerc ont été immobilisés, mais tous ont pu être remis au combat. Mais surtout son système d’arme se révèle particulièrement puissant et efficace. C’en est au point qu’une demande de « Leclerc » supplémentaires à été demandé à Nexter alors qu’il n’est plus produit depuis des années.

Mais revenons à nos moutons temporels. Imaginons que les Leclerc et les véhicules d’accompagnement soient remis en état de combattre avec suffisamment de munitions et des équipages suffisamment formés. L’impact sur les combats est imaginé avec talent. Reste une conclusion discutable… qui va contredit d’autres articles sur le sujet publié dans la même revue. Les Leclerc n’auraient apporté qu’un gain de temps. Mais cela n’aurait rien changé au final. C’est un avis qui est discutable. L’impact sur les forces armées allemandes aurait été réel. Même si la supériorité aérienne allemande ne peut être discuté. Le simple gain de temps, permet à l’armée de l’air de recevoir la production française moderne (en particulier les formidables D520, et MS 410) sans compter les rapides bombardiers Loire et Olivier modernes et les avions américains commandés avant la guerre. Bref, la supériorité aérienne allemande devenait d’autant plus marginale, que le gain de temps gagné permettait aux unités de l’armée de l’air de continuer à utiliser leurs infrastructures et à la Royal Air Force de terminer de se déployer et de seconder nos forces aériennes. Nos unités terrestres pouvaient continuer leurs opérations en Belgique et les Italiens n’auraient pas forcement attaqué si les Allemands étaient restés bloqués à Sedan. Mais surtout, et c’est un fait historique qui est récemment apparu, si les Allemands avec leur formidable système de communication et leurs remarquables officiers pouvaient contrebalancer un tel impact, il n’en reste pas moins que leur capacité logistique est à bout souffle en 1940.

Contrairement à l’image d’Epinal admise, l’armée allemande en 1940 est moins mécanisée que l’armée française ! Nos véhicules ne sont pas conçus pour la guerre moderne, mais ils existent en nombre important. Ils vont d’ailleurs permettre d’équiper l’armée allemande et leurs alliés pour l’attaque de la Russie. Or sans logistique, pas d’essence, pas de munitions, pas de pièces détachées ! L’impact d’un retard de plusieurs semaines sur la bataille de France en 1940 aurait été beaucoup plus important qu’on le pense. Les équipes multi-nationales de l’uchronie « et si la France avait continué la guerre … » l’ont démontré.

La vraie question est … le commandement français aurait-il été capable d’en profiter ? Car plus que les moyens matériels, la motivation des troupes … est celle des capacités du commandement français à profiter des opportunités. En 1940, comme en 1870, le commandement militaire français n’est tout simplement pas à la hauteur. Et il est peu probable que l’on aurait pu profiter d’une telle opportunité. L’attaque de 1939 par l’armée française en Allemagne, alors que l’armée allemande est en Pologne et que les troupes françaises sont en train de prendre le dessus et d’envahir l’Allemagne hitlérienne le montre amplement. Victorieuse, l’armée française reçoit l’ordre de reculer et de revenir à la frontière. Nos politiciens et l’état-major n’ont pas osé en 1939, ils n’auraient pas osé en 1940… La défaite était inévitable.