Un état islamiste en pleine ère Steam Punk : le Soudan du Mahdi

L’Islam combattant est déjà une réalité en pleine époque Steam Punk. En effet dès le XIXe siècle, les tentatives de colonisation se heurtent à une résistance armée féroce. Ainsi, la France doit combattre âprement pour créer la colonie algérienne. Parmi ces révoltes une va sortir du lot. Dans l’ancienne Nubie, un imam va lancer une guerre sainte qui va faire trembler l’Empire britannique.

En 1819, le Soudan passe sous contrôle égyptien. A cette époque l’administration égyptienne a besoin d’argent et augmente considérablement les impôts pour sa population. Fuyant la misère, les paysans égyptiens se réfugient dans cette nouvelle colonie et provoque la chute de la production agricole dans la vallée du Nil. Toutefois, cette misère provoque la colère de l’imam Muhammad Ahmad ibn Abd Allah. Il prêche un islam sévère, voire intransigeant. Et surtout il prêche pour libérer son pays. Sa célébrité est telle qu’il est appelé le Mahdi, le « rédempteur ». L’Égypte finit par envoyer son armée pour remettre au pas cette région. En vain. La population se soulève sous le commandement du Mahdi et écrase cette troupe.

A ce moment, les Britanniques sont inquiets. L’Égypte a emprunté auprès de ses banques et ces dernières ont peur de perdre leur argent. N’étant jamais mieux servi que par soi-même, les anglais se servent de ce soulèvement comme prétexte pour envoyer un corps expéditionnaire. Ils prennent alors contrôle de l’Égypte. Mais les hommes du Mahdi représentent une réelle menace dont les anglais prennent alors conscience et envoient une armée anglo-égyptienne … qui va se faire massacrer par les hommes du Mahdi en 1883. L’affrontement étant un échec, les anglais vont faire jouer la diplomatie et envoient le général Charles Gordon. Son grand atout est de connaître le Soudant pour l’avoir dirigé entre 1877 et 1879. Même si Gordon est réellement apprécié de la population, sa situation militaire est catastrophique. Sans renfort, il doit abandonner le Soudan et replier ses rares troupes. Dès mars 1884, il doit se replier sur Karthoum et laisser le contrôle du reste du pays au Mahdi. Le siège de Karthoum va durer presque un an. Jusqu’à janvier 1885, Karthoum résiste avec vigueur. C’est la faim qui va provoquer la chute de la ville … et du Soudan.

Le Mahdi, furieux de la résistance la population, va la réduire en esclavage ! Le général Gordon est tué. En Angleterre, la perte du Soudan va devenir une affaire d’état. Si la résistance de Karthoum est louée, le gouvernement de Gladstone est considéré comme responsable de cette défaite et ne va pas y survivre. Cet événement, en 1966 va faire l’objet d’un film à succès : « Karthoum »… Vu point de vu partial anglais, bien sur.

Pas plus que le Mahdi. Il meurt de maladie à peine six mois après sa victoire. Son fils étant un nourrisson, c’est son lieutenant Ibn-Mohammed Al-Khalifa, qui prend le contrôle de ce qui devient un nouvel état. Un état suffisamment puissant pour battre l’Éthiopie et conquérir le Gondar. Malgré cette victoire, ce nouveau Califat est divisé, la famille du Mahdi réclame le pouvoir, la situation économique est catastrophique. Pour renforcer son pouvoir Ibn-Mohammed Al-Khalifa décide de s’attaquer à l’Égypte. Égypte où attendent les anglais. Ces derniers ont une revanche à prendre et se sont préparés de pieds ferme. Leur armée s’est préparée à une attaque avec des doctrines adaptées, un entraînement suffisant et un armement modernisée avec l’introduction de mitrailleuses. Mais les forces anglaises paraissent trop peu nombreuses. Elles sont constituées d’un corps de 8 000 hommes renforcés de 16 000 égyptiens face aux 60 000 hommes du Califat du Mahdi.

En 1898, malgré une large supériorité numérique, l’armée du Mahdi est anéanti par les troupes du général Kitchener la bataille de Karari. Le jeune Winston Churchill, qui participe au combat, va être impressionné par la puissance d’arrêt des mitrailleuses. On recense 10 800 morts et 16 000 blessés dans l’armée du Mahdi pour 48 morts et 382 blessés anglais et égyptiens ! Il faut noter que faute de soin, il y aura peu de survivants parmi les blessés du Califat.

La vengeance anglaise est implacable et va se doubler d’un geste symbolique : la tombe du Mahdi est détruite à l’explosif. Toutefois, le fils du Mahdi, qui était trop jeune pour participer à la direction du Califat n’est pas inquiété. Il devient un dirigeant religieux au Soudan. Ce geste d’apaisement permet de calmer la situation. Mais lui et sa famille veulent obtenir le contrôle du Soudan … et de l’Egypte qu’ils considèrent comme leur royaume.

La famille du Mahdi va tenter d’obtenir le contrôle de l’Égypte lors de la première guerre mondiale, mais au vu de la situation, l’Angleterre n’est pas prête à concéder quoique ce soit … comme vont le constater les irlandais lors des Pâques de 1916. Le fils du Mahdi va préserver lors de la chute de la monarchie égyptienne en 1952… avec le même résultat. En 1958, le fils du Mahdi gagne les élections du Soudan… mais il est destitué par un coup d’État l’année suivante. Il se retire de la vie politique et meurt soudainement.

Le Soudan en 1966 est à la limite de la guerre civile. Le «Sud », majoritairement chrétien s’oppose au gouvernement en place pour obtenir son indépendance (qu’il obtiendra dans le sang en 2011). On fait alors appel au petit fils du Mahdi, Sadeq al-Mahdi pour devenir premier ministre. Comme son père il est renversé. Il reprendra le pouvoir avant d’être renversé à nouveau avant de mourir du Covid en 2020 à 84 ans.

Sa propre fille ; Mariam al-Sadiq al-Mahdi (née en 1965) va vivre une carrière politique comparable.

La dynastie fondée par le Mahdi en plein XIXe siècle va marquer l’histoire du nord de l’Afrique. Mais jamais elle ne pourra rester bien longtemps au pouvoir.