Limoges 1905, le « Me Too » de l’ère Steam Punk

Depuis quelques années le mouvement « Me too » dénoncent les inégalités entre les abus sexuels. Si cela est totalement légitime, il ne faut pas oublier le combat des femmes en Iran pour obtenir cette inégalité. Cela sans parler de la situation des femmes en Afghanistan qui est carrément catastrophique. Mais ce combat ne date pas d’hier. A Limoges, en 1905, les femmes de l’atelier Haviland se mettent en grève. Le motif va en surprendre plus d’un : le harcèlement sexuel !

La fabrique de porcelaine de Théodore Haviland emploie surtout des femmes. Le 28 mars 1905, trois d’entre elles sont renvoyées pour un motif « économique ». Le terme de l’époque est « travail insuffisant ». A la surprise générale, 40 ouvrières de cet atelier se mettent en grève. Pour elles, ce n’est pas le manque de travail des ouvrières qui a provoqué ce renvoi, mais un homme : Paul Penaud. Cet homme est depuis plus de dix ans le contremaître de cet atelier. Homme dur, il a toute la confiance de sa hiérarchie. Aussi la manifestation des ouvrières n’est pas prise au sérieux.

Mais le 10 avril le mouvement de grève s’étend également à l’usine du frère du propriétaire : Charles Haviland. La chambre syndicale apporte son soutien aux grévistes. Les Haviland se préparent à négocier et demande les souhaits des grevistes. A leur stupéfaction, on ne veut ni argent, ni temps de repos supplémentaires. On veut le renvoi du contre-maître Penaud ! Ce dernier est accusé d’avoir un comportement indigne. Il accepte des pots-de-vin pour obtenir des avantages et surtout s’accorde droit de cuissage avec les ouvrières qui lui plaisent.

Lorsque la presse publie des articles, ils vont éviter de décrire avec trop de précision le comportement du contre-maître. Mais les allusions sont suffisamment claires pour que tout le monde comprenne de quoi il s’agit.

En l’absence de plainte, la direction soutient le contre-maître. Pire, ils vont jusqu’à accuser les ouvrières de se livrer à des comportements douteux, voire ... à la prostitution ! Cela bloque toute issue et malgré, ou à cause des interventions du maire de Limoges, les Haviland décident de frapper un grand coup. Les usines sont volontairement fermées laissant plus de 10 000 ouvriers au chômage !

A ce moment, la situation devient explosive. Pire, elle explose !!! Les combats éclatent entre grevistes et non greviste. Des barricades sont dressées. On pille les armureries. L’intervention de la police ne sert à rien : les prisons sont attaquées pour libérer les émeutiers ! La voiture de Haviland est brulée et une bombe est lancée sur la maison du directeur…

Le 14 avril 1905, l’armée intervient et ouvre le feu sur l’ordre du préfet. Par miracle, un seul homme ; Camille Vardelle, est tué à ce moment. Deux jours plus tard, c’est 30 000 ouvriers et ouvrières qui suivent les obsèques. La CGT (Confédération générale du travail) insiste sur le comportement de Mr Penaud et continue de demander son renvoi lors de la cérémonie. Les journaux continuent de publier les demandes des ouvrières. Les Haviland cèdent.

Le 26 avril les usines Haviland ouvrent, mais le contre-maître Penaud a été renvoyé avant ! Il aura fallu qu’un homme meurt, que des hommes et des femmes soient blessées et que des familles basculent dans la pire des précarités pour qu’un pervers soit simplement licencié !