Les robots de combat de nos jours ; des objets à l'utilité limitée ?
Souvent mis en avant dans les communiqués et les articles de presse, les robots semblent être l'avenir des interventions militaires. Alors que les robots industriels sont installés depuis longtemps dans tous les secteurs productifs, les robots militaires restent plus du domaine de la SF.
Les militaires n'ont rien contre les robots. Ils les utilisent depuis longtemps, ce sont principalement des engins de déminages télécommandés à distance. La France, en particulier, innove dès 1938 avec un « chariot endomécanique ». Cet engin, piloté par un automate programmable, était conçu pour se déplacer en autonomie afin de vérifier l'absence de mines sur une route ou pour déposer une charge explosive à proximité d'une fortification adverse. Ces travaux seront repris par les Allemands dès 1940 à leur profit.
Toutefois, les robots restent cantonnés à des missions militaires très précises alors qu'ils disposent pour eux de très nombreux atouts. Contrairement à un humain, un robot n'a pas besoin d'être formé et régulièrement entraîne pour remplir efficacement ses missions. La formation et l’entraînement sont les opérations les plus coûteuses en termes d'argent. En effet ; il faut payer les formateurs, mais aussi le personnel formé alors qu'ils ne remplissent aucune mission. Pour cela, il faut des installations, du matériel et aussi des implantations terrestres. Ces dernières, gourmandes en espace, pourraient être valorisé profitablement. Ces formations et ces entraînements prennent aussi beaucoup de temps et fatiguent le matériel.
Il faut également signaler que si un robot est détruit, ou même capturé, le coût politique est nul. Pas de prisonnier à libérer, pas de coût politique à payer en cas d'opération raté. Il s'agit tout simplement de matériel à remplacer. A l'époque de la sur-médiatisation, c'est un avantage primordial.
Les robots ont pour eux une formidable autonomie. Tant qu'il y a de l'énergie, l'engin est opérationnel. Un humain doit pouvoir se reposer régulièrement. Mais surtout, un robot obéit sans aucun problème de conscience. Pas de soucis de discipline, d'obéissance ou de peur. Un robot accompli son travail suivant sa programmation sans aucun état d'âme.
Tous ces avantages sont réels. Ils sont régulièrement mis en avant par les industriels. Toutefois ces derniers ont de très bonnes raisons pour s’intéresser autant à la robotique militaire. Un programme militaire c'est d'abord l'accès à des ressources importantes qui seront constantes dans le long terme. Cela permet à un industriel de faire fonctionner ses laboratoires de recherche et de développement sans dépendre de facteurs économiques fluctuants. Contrairement à des entreprises civiles, les militaires sont des gens patients qui sont capables d'attendre des dizaines d'années. De plus, les dépassements de budgets, récurrents, sont souvent acceptés par les autorités militaires. Il faut ajouter à ces formidables avantages, de fortes valeurs ajoutés et des paiements garantis, même en cas d'absence de commande. Ce dernier point n'est pas un handicap, les technologies acquises sont souvent réutilisées dans le civil permettant alors de limiter les coûts en recherche et développement pour la création d'un nouveau produit.
Malgré les pressions des industriels, via les politiques, les militaires restent très prudent sur la robotisation des conflits. En premier lieu, le coût unitaire de chaque engin est très élevé. Beaucoup trop pour les budgets des armées actuelles qui préférerait sans doute des investissements plus rustiques. Par exemple, le fusil d'assaut réglementaire français date des années 60... Un nouveau fusil, ou même une nouvelle mise production de cette arme ferait le bonheur des régiments de l'Armée française.
Ensuite, la technologie de chaque robot est une propriété intellectuelle pour son constructeur, mais surtout un avantage technologique pour l'armée qui l'utilise. Il faut donc vérifier qu'elle ne tombe pas entre des mains adverses. C'est pour cela que l'on a vu l'année dernière des chasseurs pilotés F18 de l'US Navy escorter un drone de reconnaissance sans pilote pour une mission à proximité de l'Iran. Ces contraintes seraient les mêmes sur un véhicule piloté, mais réduisent fortement les avantages à attendre d'un engin autonome.
Pour les militaires le principal problème des robots est le suivant, la technologie déployée les rends dépendants des industriels. Ce point particulier à ses avantages. Les états fournisseurs peuvent ainsi garder un contrôle technologique sur l'utilisation des armements fournis à des états tiers. Les USA en particulier ont développé non seulement la technologie, mais aussi l'arsenal juridique nécessaire pour garder le contrôle des armées qu'ils fournissent. Mais, les militaires aiment savoir que ce sont eux qui contrôlent réellement le matériel qu'ils utilisent, et non pas un tiers.
Cette dépendance n'est pas nécessaire. Les armées seraient capables de former le personnel nécessaire à l'entretien et à la mise en œuvre de ces robots, La marine française forme régulièrement des ingénieurs dans le nucléaire par exemple. Mais les marchés de maintien en condition opérationnel (MCO) sont devenus une autre ressources des industriels. Ces derniers mettent en avant les économies que peuvent faire les armées sur la formation de spécialistes auprès des politiques. Et faire des économies à court terme auprès des militaires est facile. Les militaires sont soumis à un devoir d'obéissance.
Autre problème opérationnel : les faibles capacités d'adaptation des robots. Contrairement à un humain, un robot n'est pas capable d'analyser et de s'adapter en temps réel une situation qui serait différente de celle programmée. La réponse du robot sera défini par sa programmation. Or la programmation de ces engins inclue des millions de lignes de codes. Les meilleurs ingénieurs sont incapables de prévoir à l'avance la réaction des robots en cas d'imprévu. Ce, y compris en temps de paix.
Ce dernier point pose de nombreux problèmes juridiques : qui serait responsable ? L'utilisateur ? L'industriel ? Le concepteur ?... Ces problèmes juridiques n'existent pas avec un humain qui est responsable de ses actes.
Le dernier point peut sembler anecdotique, mais s'intègre dans une réflexion éthique plus globale de l'utilisation des robots dans les conflits. Dans les conflits récents, la population des zones de combat doit être non seulement protégée, mais elle est également un objectif capital. Si l'on veut éviter que les conflits dégénèrent guerres civiles ou aboutissent à la création de zone de non-droit ; les populations doivent être convaincu que l'intervention militaire ne se fait pas à leur dépend. Or, l'intervention par le biais de robots se fait à distance. Il n'y a pas d'intervention humaine, pas de contact humain. Comment convaincre une population que l'on s’intéresse à elle alors que l'on ne se déplace même pas ?
De plus, il est facile de convaincre une population que ceux qui manipulent les robots sont trop lâches et ne méritent pas d'être écouté. Alors que l'on demande aux armées de gagner les conflits, mais aussi les cœurs ; l'utilisation de robots militaires risque rapidement d'être contre-productive. Les polémiques sur l'utilisation par les armées US de drones pour la guerre contre le terrorisme sont révélatrices de ces problèmes. La polémique se fait sur les théâtres d'opération extérieurs, mais aussi en interne.
Malgré de nombreux avantages, les robots, surtout s’ils agissent en autonomie ne valent pas des humains formés et entraînés. Le principal avantage humain réside en sa capacité d'analyse et d'adaptation. Un avantage incomparable alors que par définition, le combat est une activité sans constantes stables. L'intelligence sociale d'un humain est tout aussi primordiale, les populations restent un des objectifs majeurs des conflits. C'est pourquoi, l'utilisation de robots dans les zones de combats reste aussi limitée. Fondamentalement, la guerre reste une activité humaine.