Chasse aux éléphants à Meuse – un petit scénario pour Bolt Action (1 : le FCM 2c )
Il y a peu de temps, j’ai présenté une campagne pour Bolt Action. Commencé sur un pari idiot, le projet a été mené jusqu’au bout. Les recherches faites ont été suffisamment intéressantes pour que des joueurs de flames of war, changent de jeu le temps de la campagne.
. Je dois avoir été d’autant plus dépassé par le sujet que certains m’ont annoncé avoir dépensé près de 100 euros rien que pour avoir les tanks nécessaires pour y jouer ! Du coup, je me suis demandé ce que nous allions pouvoir faire de ces tanks. Les panzer I, II et III du début de la seconde guerre mondiale ne sont pas jouables avec nos armées de 1944-1945.
En pensant à ces petites boites de conserves, j’ai aussi pensé à un char qui m’a toujours fasciné : le FCM 2C. Un char gigantesque au destin maudit. Un char particulièrement novateur… mais totalement obsolète lorsqu’on a voulu l’engager au combat. Et là, j’ai eu un déclic… et si on faisait la bataille qu’il n’a jamais pu faire ?
Avant toute chose, il faut parler un peu du FCM 2c. Lors de la première guerre mondiale, le général Estienne. Le père des chars de combat (au moins du côté français) souhaite des chars lourds pour appuyer les petits FT17 produits par Renault. Le FT 17 est particulièrement novateur, mais pour l’état-major français, il reste un char léger particulièrement vulnérable surtout face à des fortifications bétonnées. Les Allemands fabriquent de nombreux éléments en béton de tranchés qui sont de véritables pièges à blindés de première générations comme les Saint Chamond.
Pour le général Estiennes, le nouveau char lourd doit être prèt pour les offensives de 1919 et pouvoir passer des tranchées (ou canaux) large de 5m. Il doit pouvoir appuyer les blindés légers et les troupes et les soutenir avec un canon puissant (obusier de 105mm ou canon de 75mm) afin de suppléer à l’artillerie qui sera hors de portée.
Technologiquement hors de portée des constructeurs automobiles de l’époque. Ce sont les Forges et Chantiers de la méditerranée à la Seyne sur Mer qui vont relever le défi et produire ce tank. 700 étaient prévus pour 1919. La fin de la guerre stoppe net le programme alors que seuls 10 sont en construction. Chacun de ces chars lourds coûte plus de 2 millions de francs de l’époque pour 100 000 pour un FT17. Pour le gouvernement français, le choix est rapide. Seuls les chars en cours de construction seront achevés. La livraison sera achevée en 1921.
D’un point de vue technique, le FCM 2c reprend l’organisation du FT17. Mais l’échelle n’a rien à voir et impressionne. Long de plus de 10m pour 3m de large et 3,8m de haut, il pèse près de 70 tonnes. Le blindage est impressionnant pour l’époque : de 22mm à 45mm ! Ce qui le rend invulnérable à toutes les armes anti-char de l’armée du Kaiser.
Pour le propulser, deux blocs de 250cv entraîne une transmission électrique qui sera difficile à fiabiliser. Paradoxalement, ce seront les moteurs qui seront installés après la fin de la première guerre mondiale qui vont poser de nombreux soucis. Les Mercedes, puis les Maybach capturés et réutilisés par souci d’économie sont détestés par les soldats français. De fait, la motorisation « allemande » de ces blindés ne sera jamais fiabilisé. Le manque de pièce détachées n’arrange rien.
L’armement des FCM 2c est un 75mm à tir rapide dans une tourelle avant. Une mitrailleuse en tourelle arrière protège des attaques de l’infanterie. Il faut y ajouter 3 mitrailleuses qui sont réparties dans les flancs et à l’avant achève de couvrir toutes les faces du char. Du fait de son poids et de l’absence de suspension, le FCM 2c ne peut pas dépasser 12km/h et à une autonomie limitée à 140km sur route. Il doit être emmené sur le champ de bataille par voie ferrée. Ce qui est la norme à l’époque.
Hors norme par sa taille et sa puissance, il va fasciner ses contemporains. De fait, le rapport puissance de feu/blindage ne sera dépassé que par le couple soviétique T34/KV1 (et 2) des décennies plus tard. Le FCM 2c peut être modifié pour embarquer en armement principal un obusier de 105 ou même un obusier de 155mm. Ce qui sera effectif à la fin des années 20… avant de revenir à la configuration initiale malgré la réussite des tests effectués. Une version sur-blindée est étudié, mais n’est mise en œuvre car elle implique de changer l’appareil propulseur.
Le FCM 2c est à la fois un blindé de la première guerre mondiale avec un réel manque de maniabilité, sa faible autonomie et sa vitesse limitée restent relatives et tout à fait dans les normes de l’époque. L’absence de liaison radio est aussi la norme à l’époque. Le D1 français seront les premiers chars français (et au monde) équipés d’une radiotélégraphie en 1932.
Toutefois, en s’inspirant du FT17 (la petite tourelle arrière est purement défensive) les FCM choisissent une formule gagnante qu’ils vont très largement améliorer. Le gros apport de FCM est la tourelle. s’inspirant du matériel militaire de la marine, ils vont réaliser une tourelle particulièrement réussie qui préfigure celle des chars de l’OTAN des années 70 ! La tourelle est organisée autour d’un armement lourd, mais polyvalent et armée par trois personnes : Un tireur, un chargeur et un chef de char. De ce fait, l’organisation interne est particulièrement efficace et est même plus ergonomique que les meilleurs chars allemands de la seconde guerre mondiale. Ce point est d’autant plus important que les optiques mises sur ce char permettent une vision et une visée incomparable. Là aussi, l’apport de matériel naval déjà opérationnels donne une longueur d’avance à ce char.
L’autre point novateur de ce char est sa propulsion. Là encore, FCM s’inspire des productions navales. Les deux blocs moteurs alimentent des génératrices. La propulsion se fait sur les barbotins par des moteurs électriques. Jamais réellement mis au point du fait de l’abandon de la production. Le FCM 2c est l’un des premiers véhicule hybride produit en série. Porsche utilisera la même technologie pour ses chars lourds avec autant de soucis d’ailleurs. Autre point important, là aussi inspiré par les productions navales : son compartimentage. Ce qui augmente d’autant les chances de survie de l’équipage. Là encore il faudra encore attendre de nombreuses années voire une organisation de char aussi pertinente pour la sécurité de son équipage.
Il faut noter que du FCM 2c, fut extrapolé un char beaucoup plus léger (41 tonnes, mais toujours armé d’un 75mm ou d’un 105mm) : le FCM 1a. Il est réalisé en un exemplaire. Ce dernier préfigure les chars lourds de la seconde guerre mondiale... et pourtant malgré des tests particulièrement réussis, il est totalement abandonné et oublié.
La production des tank FCM est abandonnée du fait de l’arrêt de la guerre. Le FCM 2c va alors servir à de nombreuses expérimentations. Mais son principal rôle sera celui de char de propagande.
En 1940, sur les 8 chars restants, deux sont réformés pour fournir des pièces détachées aux autres. Ils forment le 51e régiment de char lourd. Le 12 juin 1940, les 6 chars embarquent sur deux trains pour être emmené au front. Les deux autres sont en panne, ils seront sabordés pour qu’ils ne tombent pas aux mains des Allemands.
Bloqués sur une courbe en dévers, les trains sont bloqués par un train en feu à l’avant suite à un bombardement aérien à Meuse à proximité de Neufchateau le 15 juin. D’autres trains à l’arrière bloquent totalement les trains sur place.
La position des trains sur une courbe bloque les chars sur leurs wagons. Apprenant que les Allemands sont à moins de 30 km (8e panzerdivision), le colonel Fournet donne l’ordre de saborder les chars avant d’évacuer le personnel militaire. Le groupe se reformera à Albi. Lorsque les Allemands capturent les trains. Les FCM ont été sabotés. Seules les charges du « Champagne » ne fonctionneront pas. Il servira de trophée à Berlin. Pour certains, les Soviétiques l’ont récupéré en 1945. Mais cela n’a jamais été prouvé.
Char prometteur, mais char malchanceux et oublié. Le FCM 2c a été et reste un engin hors norme qui mérite bien une petite campagne de jeu.