Robots militaires : Entre besoins des armées et propositions commerciales et techniques des industriels se creuse un fossé de plus en plus important.
Les militaires ont des besoins précis qui répondent à des situations tactiques tout aussi précises… et des budgets qui le sont souvent beaucoup moins. De fait, les militaires cherchent des solutions techniques simples à mettre en œuvre, facile à maintenir en condition opérationnelle et disponible en nombre. Les industriels eux veulent vendre avec la marge la plus élevée possible pour augmenter à la fois leur chiffre d’affaires et leurs résultats nets. Mais ce n’est pas leur seul impératif. Les industriels aiment travailler avec les militaires car les militaires sont capable d’investir pendant des années avant d’avoir un simple prototype. De fait, de nombreux industriels font payer aux armées des technologies qui leur assurent des rentes dans des ventes à l’étranger … mais aussi dans le civil.
Si le maintien d’une base technologique nécessite pour les militaires de faire des efforts d’adaptation… il arrive que les industriels exagèrent quelques peu. Car il faut bien être honnête, si il faut que le gouvernement choisisse entre une entreprise comme Airbus et les besoins de la Marine Nationale. C’est Airbus qui sera choisi.
Ces choix expliquent pourquoi nos armées se retrouvent avec des flottes de matériels disparates souvent inadaptés à leurs besoins. Le dernier exemple en date est le système de Drone Aérien de la Marine (SDAM). Dans le cadre du plan de soutien à l’aéronautique, le second démonstrateur est devenu un prototype dont la commande à été passé en urgence en avril 2021. La livraison devant intervenir en 2024… sauf retards dont Airbus est coutumier !
Le programme SDAM est un projet de drone. Basé sur un hélicoptère léger (Le Cabri G2 de la société Guimbal), il permet d’emporter 150 kg de charge utiles. Ses senseurs comprennent des optiques et un radar de surveillance maritime. Il doit pouvoir patrouiller à 180 km du navire mère durant près de 08h00 à une vitesse de croisière de 165 km/h.
Le programme, basé sur des solutions techniques existante est un réel succès. Les premiers vols datent d’environ 3 ans, et depuis fin 2020, les atterrissages automatiques sur des navires sont validés. L’atterrissage sur des navires est particulièrement difficile. Les navires bougent de manière aléatoire dans les 3 axes. La validation du SDAM en prototype est donc une réelle prouesse technique dont les ingénieurs d’Airbus et de Guimbal peuvent être fiers. La validation du reste du domaine de vol, qui doit être fait dans l’année, est presque une affaire de routine.
Si l’aspect technique est une réussite, pourquoi s’inquiéter ? Les SDAM sont prévus d’embarquer à bord des frégates FREMM (nos dernières frégates lourdes… qui valent les destroyers des autres flottes!) et des Porte hélicoptères d’assaut (PHA). de 2022. Le prototype doit embarquer successivement sur les navires pour être testé de manière opérationnelle. En soit la démarche est logique.
Mais c’est dans les détails que se cachent les ennuis. Le SDAM doit compenser le manque d’hélicoptère pour notre Marine Nationale. Mais à force de prendre du retard (la livraison des systèmes opérationnels se ferait en 2029 …) la Marine Nationale n’a ni hélicoptère, ni drones ! Ensuite, si le système semble prometteur, il correspond en fait aux tests faits par l’US Navy et Boieng en 2008 !
Mais le pire est sans doute dans le constat suivant : Si le SDAM peut décoller et attérir sur un navire, Airbus ne l’a pas « navalisé » pour autant ! Un véritable drone naval doit être résistant à la corrosion. Ce qui implique des moteurs et des revêtements adaptés. Ensuite, le drone doit être capable d’opérer dans des conditions de vents considérablement plus importants que pour un drone opérant à partir du sol. Or les moteurs et hélice n’ont pas été modifiés en conséquence. Ensuite, la maintenance doit s’opérer dans le hangar du navire. Le hangar est petit, il bouge et les pièces détachées sont difficiles à manœuvrer (sans même parler de les stocker!). Mais c’est surtout la manœuvre entre le pont d’appontage et le hangar qui sera dangereuse : le drone pèse 700 kg ! Et en haute mer, manœuvrer une telle masse est tout simplement dangereux.
Parce qu’on a fait des économies sur les besoins des militaires (dont les missions augmentent!), les navires de la marine nationale n’embarquent qu’un seul hélicoptère contre deux dans la plupart des marines. Mais par contre, chaque navire peut maintenir son hélicoptère en condition opérationnel durant des mois grâce aux équipements et surtout aux mécaniciens. Une capacité dont est incapable l’US Navy qui doit se reposer sur des navires de soutiens et des flottes d’hélicoptères qui se remplacent.
Mais, le plus … ridicule est le fait suivant : le SDAM ne peut pas entrer dans le hangar. Son rotor n’est pas capable de se replier ! Airbus n’a tout simplement pas réfléchi au fait suivant. Pour rentrer dans le hangar où le SDAM doit être entretenu, il doit passer par porte et tenir entre les cloisons ! Mais il ne peut pas à cause de son rotor fixe !
Ce point montre à quel point les besoins réels de la Marine Nationale sont ignorés. Mais cela implique que pour qu’Airbus puisse tester son drone, un navire de la marine nationale ne pourra faire décoller ou atterrir d’hélicoptère durant tous les tests d’Airbus ! Ce qui revient à enlever l’un des principaux systèmes d’arme à l’un des rares navires notre marine… alors que les missions de la Marine Nationale augmentent partout dans le monde !
D’où une certaine incompréhension dans les rangs de la marine nationale. Une incompréhension que l’on retrouve pour des situations comparables dans les autres armes. Une incompréhension que l’on retrouve chez les personnels de santé, les pompiers et les forces de l’ordre également.