Emile Driant ; le « Jules Verne militaire »

La science-fiction et le Steam punk vont voir le jour grâce à l’œuvre de Jules Verne. Son succès est reconnu par tous et il occupe une part à part dans la littérature, le cinéma et tous les médias. Mais à côté de lui, un personnage très particulier a aussi écrit dans sa veine. Pas tout à fait dans la veine de Jules Verne, mais plutôt en préfigurant les romans « techno-thriller-militaires » dont Tom Clancy est devenu le maître dans les années 1990-2000 (Octobre Rouge … ).

Emile Driant (1855 – 1916) est avant tout un militaire. Profondément patriote, il s’engage après la terrible défaite de 1871. Il sort de Saint-Cyr pour partir en Tunisie. Rapidement remarqué, il devient l’ordonnance du général Boulanger. Il épousera sa fille cadette Marcelle. A la mise en retraite de son beau-père, il commence à écrire en utilisant le pseudo « Capitaine Danrit ». Ce qui ne l’empêchera pas d’écoper de 30 jours d’arrêt pour avoir oublié d’obtenir l’accord préalable du ministère de la guerre pour sa première publication : « L’ennemi devant le fort de Liouville » en 1888. C’est un succès qui va en engendrer d’autres. Sa carrière militaire va continuer jusqu’en 1905 suite à l’affaire des fiches. Le commandement militaire va « ficher » les officiers pour mieux en contrôler leur avancement. Un système déplorable qui aura un impact profond jusqu’à la première mondiale. Après des débuts désastreux, les officiers français les moins méritants finissant par être nommé à Limoges… ce qui va permettre à l’armée française de reprendre « du poil de la bête » et de bloquer l’armée du Kaiser. d’où le terme « limogé »

Une fois à la retraite, Emile Driant devient journaliste, écrivain à succès… et homme politique. Elu député de Nancy en 1910, il est ré-élu en 1914. Lors de la première guerre mondiale, il demande à reprendre du service et est nommé lieutenant colonel d’un groupement de chasseur à pied. Une fois dans le secteur de Verdun, il dénonce le démantèlement des forts autour de Verdun et prévient de la faiblesse de ce secteur. Ses avis ne sont pas écoutés, mais ils préfigurent ce que va être l’offensive allemande à Verdun. Lorsque l’attaque à lieux. Il n’est pas surpris, mais ses troupes et lui vont rester jusqu’au bout et freiner suffisamment l’offensive allemande pour éviter une défaite définitive. Il meurt à la tête de ses troupes le 22 février 1916.

Le destin de cet homme est particulièrement romanesque. Mais c’est son œuvre qui est sans doute la plus passionnante. Tout comme Jules Verne, Emile Driant ne cherche pas à imaginer ; il observe, note et extrapole après une certaine réflexion. De ce fait, son œuvre n’est pas visionnaire, mais seulement en avance sur son temps. Ainsi, les premières actions militaires de la première guerre mondiale sont décrites dans son œuvre. L’attention portée au travail des sapeurs (guerre souterraine) annonce ce que va devenir la guerre des tranchées. Toutefois, l’influence de l’incident de Fachoda l’entraîne à examiner une guerre maritime avec l’ennemi héréditaire : l’Angleterre. Si l’examen des implications politique est erroné, sa vision de la guerre maritime (mines, sous-marins ) annonce la guerre à venir là encore.

Sans avoir de sixième sens, Emile Driant utilise sa formation d’officier pour examiner cartes, contraintes, moyens à déployer et imaginer des tactiques ou des stratégies novatrices. Ainsi il imagine 30 ans avant l’attaque par des avions Japonais d’une base navale américaine à Midway dans « l’aviateur du Pacifique ». L’attaque de Pearl Harbor en décembre 1941 est presque entièrement décrite. Clément Ader vient juste d’imaginer le porte avion et le premier décollage d’un avion n’aura lieu qu’un an après la parution de son livre.

L’œuvre de Driant a été « militairement » dépassée après la première guerre mondiale. Mais, rapportée à son époque, elle apparaît visionnaire. Il faut ajouter à cette œuvre des romans historiques (l’évasion de l’Empereur…), mais aussi de nombreux articles prônant la réforme du commandement militaire français. Un sujet qui sera toujours d’actualité en ... 1940.