Robotique et combat naval : révolution à venir ou retour à des fondamentaux ? (1)
Les combats en Ukraine ne cessent d’être mis en avant par les média. Dans le domaine naval en particulier, on considère que les flottes actuelles sont des reliques du passé devant l’apparition des robots ukrainiens.
Toutefois, les attaques Houthis face à des flottes occidentales montre que plutôt qu’une révolution, c’est une évolution en termes de moyens et de doctrines auquel il faut s’attendre. Une évolution des flottes de combat qui n’est pas sans rappeler l’apparition des torpilles, avec les torpilleurs. Puis des missiles et des navires lance-missiles… le drone n’étant qu’une nouvelle arme auquel les flottes vont devoir s’adapter.
Les victoires navales ukrainiennes en mer Noire sont d’autant plus spectaculaires que les Ukrainiens n’ont pas de navires de combat et ne disposent pas de la supériorité aérienne. Avec un assortiment de missiles de haute technologie (dont les SCALP français ) et de drones navals bricolés, ils ont réussit à infliger de très lourdes pertes et à contester le contrôle de la mer Noire. Une réussite qui est tout sauf symbolique : en empêchant tout débarquement russe, elle protège le flanc Sud du front !
De ce fait, une question se pose. De simples drones peuvent-ils menacer les couteux navires de combat ?
Il n’y a pas que les flottes occidentales qui se pose la question. La Marine chinoise face à Taïwan se trouve dans une situation comparable à celle de la marine russe en mer Noire. Et les moyens de Taïwan sont considérablement supérieurs à ceux des Ukrainiens !
Le succès Ukrainien repose d’abord sur la surprise. Personne n’a anticipés de tels moyens d’action. La question de la robotisation navale a bien fait l’objet de tests de la part des USA et de la Chine. Mais il s’agit d’engin hors de prix qui ne sont pas sacrifiables. Au contraire, les robots Ukrainiens « Low Cost » bricolés n’ont jamais été anticipés. S’il s’agit seulement d’engins bricolés à partir de Jet Ski, la démarche tactique et stratégique a été réfléchie et mise en place par les marins ukrainiens.
Dès le départ les moyens limités de l’Ukraine ont été pris en compte. Les engins sont configurés à partir des capacités du pays. Ils sont faciles à produire et à mettre en œuvre en masse. Ensuite, les frappes ont été préparées pour surprendre les russes là où ils ne s’y attendaient pas. Sur ce point, il faut noter que l’aide occidentale (système de guerre électronique, systèmes de détection et de commandement avancés et liaisons satellites ) a été indispensable pour obtenir des victoires aussi impressionnante que l’attaque et la destruction du croiseur « Moskva ». Sans les moyens militaires occidentaux, les attaques de drones navals n’auraient pas pu avoir cet impact. Ce qui implique que les structures et doctrines navales occidentales gardent toute leur pertinence. Ce que démontre le manque de réussite des attaques de drones, de missiles de croisières et de missiles balistiques des Houthis face à navires occidentaux (dont les frégates françaises qui se révèlent encore plus efficaces que prévu ).
Cette surprise a fait l’objet d’une longue et précise préparation. Les drones navals Ukrainiens ont été conçus et produits pour avoir l’autonomie et la charge utile suffisante pour détruire des cibles navales (patrouilleurs, frégates … ) et infrastructures civiles (ponts ). Pour permettre la surprise, la furtivité de ces drones est basée sur leur seule taille et leur profil qui reste très bas par rapport au niveau d’eau. Furtivité techniquement limitée, mais suffisante pour surprendre les marins russes.
Contrairement à ce qu’avance les média occidentaux, il faut noter que très rapidement les marins russes vont s’adapter et mettre en place des tactiques et des moyens suffisant pour contrer les drones Ukrainiens. Cela va de la mise en place de patrouille aérienne de surveillance à l’installation de poste de tir à forte cadence sur les navires.
De telles attaques seraient beaucoup plus complexes à mettre en place pour les Ukrainiens. Et il n’est pas certain du tout qu’elles pourraient avoir la même réussite.
Toutefois, il faut noter que l’immobilisation de tant de moyens et de capacités dans les ports russes sont autant de moyens qui ne sont pas déployés sur le front. A ce titre, les Ukrainiens sont gagnants. Mais ils n’ont pas les moyens d’obtenir la suprématie en mer Noire pas plus qu’ils n’ont les moyens de reprendre la Crimée. Les drones navals ne permettent que de bloquer la flotte russe dans ses ports.
Mais cette réussite stratégique n’est pas suffisante pour les Ukrainiens. Les Ukrainiens ont dotés leurs drones navals de roquettes. Cela permet d’attaquer de plus loin et détruit les postes de tirs à forte cadence. Cette capacité de tir à distance permet d’attaquer des navires au port, mais aussi en pleine mer ! Là encore, les marins vont forcément s’adapter. Des moyens d’attaques mobiles dotés d’une forte puissance de feu n’est pas une nouveauté. Les marins ont dû faire face à des torpilleurs, ils ont inventé les contre-torpilleurs. Puis ce fut des avions, ils ont doté les navires de poste de DCA. Enfin, ce fut l’apparition des missiles pour lequel de nouveaux moyens de défense furent mis en place. Le drone n’est qu’une évolution de ces moyens de lutte.
Il faut enfin noter que l’action des drones navals Ukrainien est volontairement limitée. Il ne s’agit pas de prendre contrôler les espaces maritimes, mais de priver les russes de leur liberté de navigation dans la zone côtière. Ce qui est très différent en termes d’action et de résultat. Toutefois, les résultats Ukrainiens sont très impressionnants et vont donner des idées…