Introduction :
Dans un petit bureau parisien des ressources humaines de l’armée française, un officier en colère crie.
« Et comment je fais moi !!! On a plus de personnel disponible !!! Et comment je le fournis ce groupe d’intervention à la noix !!! »
De l’autre côté du bureau se trouve un major. Un major plutôt amusé par les lamentations de son supérieur. De par sa formation et de manière générale, le major garde un profond respect pour ses supérieurs. Celui qui est en train de se lamenter est un bon officier. Il est un brin théâtral... et surtout profondément ambitieux… comme tous les officiers qui vont faire leur carrière exclusivement à Paris. Mais globalement, cet officier a son estime. Il essaye réellement d’accomplir sa mission afin que cela se passe au mieux pour les hommes qu’il commande, pour ceux qui vont subir les conséquences de ses décisions, pour les armées et, aussi, pour sa carrière. Le major a malheureusement connu trop d’officier qui ne privilégiait que leur seule carrière, surtout à Paris !!!.
« Que se passe t’il, commandant ? »
« On me demande d’urgence un groupe de combat pour une mission au profit de l’OTAN. Sans plus d’informations pour constituer ce groupe ! Je n’ai même pas d’information sur leurs missions ou sur les capacités nécessaires ! Mais le pire c’est qu’en ce moment, tous les groupes disponibles sont répartis à travers le monde (1). Les autres sont en formation, en récupération ou dissous du fait des pertes et des blessures ! »
« Bien commandant, Savez-vous où doit se dérouler la mission ?»
« En Allemagne Major, avez-vous une idée ? » L’officier a appris à connaître le major. Comme tous les vétérans, il joue souvent avec les ordres et les consignes. Mais jusque là, bien que parfois douteuses, ses idées se sont révélées fécondes. Aussi est-il impatient de savoir à quoi le major pense.
« Le groupe improvisé que nous avons envoyé en Corée (2). Il est rentré il y a peu si je ne me trompe pas. » répond le major
« Les quatre touristes ? Vous rigolez ? »
(1) En 2021, les déploiements opérationnels sont les suivants : 13 000 hommes sur le territoire national. Forces de souveraineté (territoires non métropolitains) 7 150 hommes. Forces de présence (Accords de defense hors territoire national) 3 750 hommes. Opération Barkhane 5 100 hommes. Opération Chammal 600 hommes. Engagement OTAN 400 hommes. Engagement ONU 740 hommes. Engagement UE 150 hommes. Missions maritimes 4 050 hommes. Principalement concentrés sur le moyen-orient et l’Afrique, on trouve des missions et des opérations françaises en Asie, dans les caraïbes et dans le Pacifique.
(2) Voir « Ballade au pays du matin calme ».
« Ils ont fait une bonne impression en Corée. Ensuite, une mission OTAN en Allemagne… Mis à part des indigestions de choucroute… que peut-il se passer de grave ? Non, ils seront parfaits le temps de nous retourner... » Le ton du major est calme. Il faut largement plus qu’une crise de nerf d’un officier parisien pour énerver un vétéran tel que lui. L’officier se calme. Il réfléchit à la proposition du major.
« Nous avons constitué ce groupe. Il n’est constitué que de « bras cassés » et de « paria », major... » Le ton est méfiant. Il sait que le major le manipule… un peu trop souvent à son goût, d’ailleurs.
« Sans aucun doute, mon commandant. Mais, rien ne nous empêche de préparer un autre groupe qui pourra renforcer celui ci... »
« Voire le remplacer au besoin... » continue doucement l’officier
« Tout à fait commandant... » L’officier examine un long moment le major. Qui soutient tranquillement le regard de son officier. Ce dernier prend sa décision.
« Vous allez préparer les ordres de transfert, je les signerais dans la foulée. De mon côté, je préviens l’état-major. »
« A vos ordres ! »Le major s’est mis immédiatement au garde à vous. Puis, il se plonge dans son travail. Il faudra qu’il garde à l’œil ce major pense l’officier en fixant son subordonné. Il pourrait se révéler un peu trop malin pour son propre bien… et mon propre intérêt.
Le major active sa connexion au serveur. Il n’a pas besoin de regarder l’officier pour savoir que ce dernier est méfiant. Comme tous les « Parisiens », il ne pense qu’à sa carrière. Lui, n’a pas ce souci. Il aurait même pu prendre sa retraite depuis longtemps… Pendant un bref moment, il se rappelle son temps en activité, ses opérations, ses camarades. Les blessés, les morts… et heureusement, les vivants. Puis, tout en commençant à remplir les formulaires, il pense au petit groupe qu’il va envoyer en Allemagne. Ce ne sont pas véritablement des combattants. Bien au contraire. Il le sait d’autant mieux qu’il a participé à la création de ce petit groupe. De ce fait, il ne peut s’empêcher de se sentir responsable d’eux...
Le major termine de remplir les formulaires. Il a un moment d’hésitation avant de tout valider. Dans quoi va t’il les envoyer ? Puis, il clique sur la confirmation et envoie le document par courrier électronique à son officier. Une mission en Allemagne. Que pourrait-il se passer au pays de la Choucroute ? Pourtant, il ne peut pas s’empêcher d’avoir un mauvais pressentiment...
Prenant son téléphone, il décide de passer quelques coups de téléphones à ses anciens camarades affectés en Allemagne. Après tout, demander à ces derniers de accorder un peu de soutien à ce groupe ne change rien aux ordres reçus et surtout … cela lui permettra de mieux dormir cette nuit.