Distraire les foules, un exercice dangereux en pleine ère Steam Punk

Au XIXe siècle le climat social est particulièrement tendu en Europe. La lutte des classes n’est pas un vain mot et encore moins une construction philosophique. Pour faire face à la plèbe, les nobles s’arment (révolvers, canne épée… ) y compris pour les déplacements les plus anodins. Même Clémenceau, plutôt de gauche, considère que la priorité de la république est avant tout de maintenir l’ordre public. Ayant vécu la « Commune de Paris », il n’hésitera à faire tirer la troupe face aux grévistes !

Toutefois, avant d’en arriver là, les dirigeant tente de calmer les foules. Reprenant le mot d’ordre de l’empire romain ; « Du pain et des jeux », les gouvernements organisent de grands divertissements de manière plus ou moins régulière. C’est un moyen de compenser quelque peu des vies difficiles. Le travail dans les premières sociétés industrielles est dur et épuisant. Les payes sont faibles et il n’y a pas de couvertures sociales. Pour survivre, les enfants n’étudient pas mais travaillent pour aider leurs parents. Aussi les rares divertissements prennent une importance démesurée. Malheureusement, dans un climat social tendu, le moindre incident peut rapidement prendre des proportions dantesques.

A Amsterdam, l’activité du tirage d’anguille devient une pratique sportive particulièrement appréciée. Les parties de ce sport, qui ne coûte rien à la communauté, sont pratiquées dans toutes les villes où l’on trouve un cours d’eau. Dans ce cours d’eau, on tend une corde et on y attache une anguille vivante. Pourquoi une anguille ? Parce qu’elle est glissante et difficile à saisir. Il faut noter, et c’est connu de tous, que les anguilles sont souvent graissées pour être encore plus difficile à saisir. Le but pour chaque concurrent, qui se trouve sur un bateau qui va défiler le long de la corde est d’attraper l’anguille. Si il l’attrape (dans la majorité des cas, si il arrache le plus gros morceau), le vainqueur à le droit de la manger ! Il faut remarquer que dans la majorité des compétitions de ce type, plusieurs anguilles sont prêtes à être attachée. Évidemment, ce qui plaît aux spectateurs dans ce sport, c’est lorsque les participants tombent à l’eau…

Si le divertissement est bon enfant (sauf pour les anguilles!), le 25 juillet 1886 à Amsterdam, cela va déraper. Ce jour-là, aucun compétiteur ne parvient à arracher l’anguille. Au bout de plusieurs heures, un policier s’énerve et décide de couper la corde : la partie est finie. La foule est surprise, puis se met en colère contre le policier. Ce dernier est passé à tabac par la foule qui est privée de ses rares loisirs. Passant de la frustration à la colère puis à la rage, la foule finit par massacrer le policier. L’intervention des gendarmes est trop tardive ; le policier est déjà mort. Pire, l’arrivée des gendarmes semble faire empirer les choses. La foule passe à l’attaque, repousse les gendarmes. Les membres des forces de l’ordre sont recherchées et attaquées. C’est une émeute et de nombreuses barricades apparaissent. L’émeute va durer trois jours. Ne trouvant pas le moyen d’y faire face, l’armée est appelée en renfort.

La réponse de l’armée est brutale, dès la première confrontation, les militaires ouvrent le feu. La foule paniquée fuit. L’émeute est maîtrisée au prix de 26 civils tués et de 136 blessés. Le contrôle des foules va rester aussi brutal, faute de réponse et de moyens adaptés. Lorsque l’on compare les dégâts engendrés par les Hooligans et autres manifestants violents en Europe et la réponse des autorités et des forces de police actuelles, on comprend que les progrès en matière de contrôle de foule sont réels. Il y a malheureusement des blessés, très rarement des morts… mais on ne tire plus sur la foule pour la remettre au pas.