« Et si Rome n’était pas tombé ? » une uchronie générée par une IA

Il y a quelque temps, je suis « tombé » sur un ouvrage un peu à part. Il s’agit d’une uchronie écrite par Raphaël Doan (Science Po Paris ) sur la Rome antique. Le titre « Si Rome n’avait pas chuté » souligne combien il s’en est fallu de peu pour que l’Empire romain d’occident se redresse et reprenne sa route. Après tout l’Empire romain d’Orient, Byzance, a duré mille ans de plus.

Puis c’est le fond de l’ouvrage qui me surprend. Le texte, uchronique, a été rédigé par une IA sous la supervision de l’auteur. L’IA dans de nombreux domaines va se révéler un outil utile en reliant entre eux des tonnes de données et en les présentant de manière structurée. Le risque est que l’information utile finisse noyée et oubliée parce que les IA vont se référer à des consignes et des algorithmes qui risquent d’être de plus en plus standardisés. Mais là n’est pas le problème.

L’Uchronie part d’un constat simple, la première machine à vapeur est inventée par Héron d’Alexandrie. L’éolipyle est une amusante invention qui recouvre les notions de conversion de la chaleur en travail, application de la propulsion à réaction et nombre de concepts scientifiques. Mais au-delà de l’intérêt théorique, il y a un simple constat : l’éolipyle est une véritable machine à vapeur.

Et si Héron d’Alexandrie était allé au bout de sa découverte ? Cela aurait-il le même impact que la révolution industrielle au XIXe siècle ? Rome aurait-il abandonné l’esclavage ? Le rôle des femmes aurait-il changé. Quel aurait été l’impact de la révolution industrielle appliquée à l’Empire romain ?

En soi le texte est d’abord fascinant… puis vient le temps de la réflexion. Tout d’abord, il faut constater que l’IA qui a généré le texte à calqué l’impact de la révolution industrielle, puis des autres révolutions technologiques sur les sociétés occidentales… et les copiées dans un univers « Rome Antique ». De nombreux aspects historiques, ou techniques sont tout simplement ignorés. Et c’est ce qui me gêne.

Tout d’abord, L’éolipyle est un objet scientifique curieux… mais sans applications réelles. Contrairement à la révolution industrielle qui va faire converger de nouvelles sciences (thermodynamique...) et de nouveaux techniques (métallurgie… ). L’éolipyle reste un objet orphelin. Il ne permet pas de valider de nouvelles théories scientifiques ou va servir de base pour de nouvelles applications technologiques.

Ensuite, il me semble que la structure même de la société romaine ignorerait toute révolution technologique de ce type. Et dans ce domaine, les exemples sont nombreux. Ainsi, avant la conquête de la Gaulle par Jules César, les tribus gauloises utilisent de nombreux outils mécaniques comme des moissonneuses. Lorsque l’on s’alignera sur le mode de vie romain, ces technologies seront tout simplement mises de côtés, puis oubliées, au profit d’une utilisation massive d’esclaves. Dans un autre registre, les Romains vont mettre au point des balistes (sortes d’arbalètes géantes ) mécaniques capable de tirer en rafales. Les répliques montrent la parfaite et redoutable efficacité de ces armes. Mais, comme les moissonneuses, elles seront oubliées. Les Romains vont préférer utiliser en masse des auxiliaires d’autres peuples chargés de lancer des javelots pour compléter les légions. Ce n’est pas la capacité de production où l’incompréhension de l’application de la technologie qui manque aux romains, mais de nombreuses techniques sont tout simplement ignorées. Au moment de leur mise au point elle n'apparaissent pas comme pertinente. Et puis l'Empire est tellement puissant...

Pourtant, les Romains, surtout dans le domaine militaire, sont capables d’intégrer de nombreuses et nouvelles techniques et technologies. Par exemple, la métallurgie des gaulois est rapidement maîtrisées et permet d’améliorer outils, armes et armures. Mais l’investissement initial pour la révolution industrielle qu'engendrerait l'utilisation de la machine à va peur semble tout simplement superflu alors que le coût de travail des esclaves est tout simplement ridicule. Dans ce cas, pourquoi risquer de l’argent dans une curiosité technique ? Un raisonnement qui ne pourra pas s’appliquer au XIXe siècle où l’esclavage n’existe plus… sauf en Russie du Tsar où le servage existe toujours. Cette nation Européenne manquera totalement la révolution industrielle.

Ensuite, seuls sont pris en compte les évolutions directement engendrées par les changements technologiques. Que devient l’impact des pestes à la fin de l’Empire romain d’occident ? Que deviennent les changements climatiques qui vont achever Rome, alors qu’elle semblait se redresser avec l’aide de l’Empire Romain d’Orient ? Que deviennent les populations romaines qui sont déjà passées sous le contrôle des « barbares ». Car l’on oublie souvent que les « Barbares » n’auraient pas été bien loin, s’ils n’avaient pas été alliés à des Romains … qui ont privilégié leurs seuls intérêts personnels.. avant de comprendre qu’ils avaient été trop loin. Enfin, qu’elle aurait les réactions de l’Église catholique romaine face à de tels changements … Auront on vu le retour des anciennes mythologies ? Aurait-on assisté à la naissance de nouvelles religions ?

Car c’est le problème de ce livre, il délivre une vision uchronique qui paraît possible. Pourquoi pas. Mais, il ne s’agit que d’un empilement de belles idées et de belles images sans beaucoup de réflexion ou de lien entre elle. Il manque de profondeur, de recherches

Maintenant, doit-on jeter ce livre ou oubliette. Non, il montre le potentiel de l’IA pour des recherches. Les IA peuvent être utiles en liant de nombreuses données entre elle. Ensuite, l’ouvrage pose la question de l’impact de la technologie sur les sociétés humaines. L’IA aura, elle aussi, un impact considérable sur nos vies. Enfin… les idées énoncées restent intéressantes.